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Les présidents de la Ve République : liste et histoire

Publié le 21/07/2018
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Vous trouverez dans cet article une présentation succincte de chacun des 8 présidents de la Ve République française.

  • Charles de Gaulle (1959 – 1969)
  • Georges Pompidou (1969 – 1974)
  • Valéry Giscard d’Estaing (1974 – 1981)
  • François Mitterrand (1981 – 1995)
  • Jacques Chirac (1995 – 2007)
  • Nicolas Sarkozy (2007 – 2012)
  • François Hollande (2012 – 2017)
  • Emmanuel Macron (2017 -)

presidents ve république

En France, depuis l’adoption de la Constitution de la Ve République en 1958, et a fortiori depuis son élection au suffrage universel direct (votée par referendum en 1962), le président de la République est, selon l’expression consacrée, la « clé de voûte » des institutions. Seul élu de la nation entière, pour un mandat de cinq ans, le président de la République a pour rôle, selon l’article 5 de la Constitution, de veiller :

[…] au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État.

Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités.

Le président de la République est en outre chef des armées (art.15) et dispose de pouvoirs spéciaux en cas de crise (art. 16). Enfin, il jouit d’un large « domaine réservé » : les affaires étrangères. Le rôle du président dans la politique diplomatique de la France est resté éminent même pendant les périodes de cohabitation (lorsque l’appartenance politique du président et la majorité parlementaire ne coïncident pas). Ce rôle central du président de la République est une innovation. En effet, sous la IIIe République (1870 – 1940) et sous la IVe république (1946 – 1958), le président de la République avait un pouvoir plus honorifique que réel (un président qui « inaugure les chrysanthèmes » selon l’expression de de Gaulle). La réalité du pouvoir était dans les mains du président du Conseil (le chef du gouvernement, équivalent de notre Premier ministre).

À cette adresse, vous trouverez en outre un quiz sur les présidents de la République (depuis 1848).

Charles de Gaulle (1959 – 1969) : le fondateur

presidents 5 v republique de gaulle

Charles de Gaulle fut le fondateur de la Ve République française. Mais il fut d’abord le dernier président du Conseil d’une IVe République plongée dans la guerre d’Algérie. Il succèda ainsi à Guy Mollet, le 1er juin 1958, après que le putsch d’Alger (ou coup d’État) du 13 mai 1958 a provoqué une grave crise qui a permis de présenter « le plus célèbre des Français » comme seul recours possible.

 

L’avènement d’un nouveau régime

Le retour de De Gaulle annonca l’avènement d’un nouveau régime dont les grandes lignes avaient été présentées dans le discours de Bayeux, prononcé le 16 juin 1946. La Ve république, dont Michel Debré était l’architecte, fut approuvée par référendum le 28 septembre 1958. Elle fut promulguée le 4 octobre de la même année (elle en tire d’ailleurs son nom de Constitution française du 4 octobre 1958). La Ve République est une république parlementaire, c’est-à-dire que le gouvernement (le Premier ministre et les autres ministres) est responsable devant le Parlement qui peut le censurer (le faire tomber). Cependant, au contraire des régimes précédents (la IIIe République qui disparaît avec la défaite de 1940 et la IVe République qui émerge à l’après-guerre), le pouvoir de l’exécutif (chef de l’État et gouvernement) est renforcé. Il a la prépondérance sur le pouvoir législatif (le Parlement). On parle de « parlementarisme rationalisé » pour désigner la visée de cette nouvelle république : parer la grande instabilité entrainée par la prépondérance du Parlement dans les régimes précédents du fait du rôle important joué par les partis politiques (le « régime des partis » selon le mot du général de Gaulle).

 

Un édifice encore incomplet

Dans la rédaction originelle de la Ve République, le président restait toutefois élu au suffrage universel indirect par un collège de 80 000 électeurs. Ce n’étaient donc pas aux citoyens ordinaires de choisir directement leur président. Le pouvoir du président dépendait donc de la faveur d’une élite. L’édifice gaullien était encore incomplet. En effet, l’élite parlementaire qui avait soutenu l’avènement de De Gaulle au pouvoir craignait toujours, par tradition culturelle, que tout le pouvoir tombe entre les mains d’un seul homme : elle se méfiait du bonapartisme.

 

Vers l’élection du président de la république au suffrage universel direct

Charles de Gaulle fut élu président de la République au suffrage universel indirect le 21 décembre 1958 avec 78,51% des voix. Son mandat débuta le 8 janvier 1959. Il choisit pour Premier ministre Michel Debré (1912 – 1996). Le nouveau président de la République profita cependant de la sortie réussie de la crise algérienne (échec du putsch des généraux le 22 avril 1961, accords d’Évian signés le 18 mars 1962, indépendance approuvée par referendum le 8 avril, et effective le 5 juillet) et de sa sortie indemne d’un attentat qui le visait (attentat du Petit-Clamart le 22 août 1962) pour compléter l’édifice constitutionnel. Il organisa le 28 octobre 1962 un referendum pour l’élection au suffrage universel direct du président de la République. Il fut approuvé par une large victoire du « oui » avec 62% des voix. Le président de la République française était désormais l’élu du peuple, sans médiation parlementaire. La classe politique se scandalisa : le président du Sénat français, Gaston Monnerville, qualifia de forfaiture l’approbation du référendum par le nouveau Premier ministre (depuis le 14 avril 1962), Georges Pompidou.

 

Un régime semi-présidentiel et une pratique

Après cette modification constitutionnelle, la Ve République put être décrite comme un régime semi-présidentiel : bien plus qu’en 1958, le président de la République est la figure prépondérante du pouvoir en France. Sa légitimité est bien plus forte que celle des députés : il est le seul élu de la nation entière, il est son « visage ». La nation s’incarne en lui.

Le général de Gaulle avait une pratique du pouvoir présidentiel singulière : en relation directe avec le peuple dont il est l’élu direct, il considérait être en dialogue permanent avec lui. Il considérait son mandat comme révoqué au premier signe de désapprobation électorale de sa politique. Les successeurs du général ne suivirent pas cette pratique. 

Du fait de son statut, la fonction demandait une pratique du pouvoir distante du cours de la vie politique ordinaire. Elle mime en cela la « sacralité » monarchique du pouvoir. Le « monarque » est protégé par un « fusible » : le Premier ministre, responsable devant le Parlement. Le juriste Maurice Duverger a ainsi qualifié la Ve République de « monarchie républicaine ».

Les députés avaient beaucoup moins de pouvoir que le président. Ceux-ci peuvent faire tomber le gouvernement par une motion de censure : ils s’exécutent d’ailleurs en votant une motion le 5 octobre 1962. Mais ce pouvoir est inutile : le président de la République peut dissoudre l’Assemblée et appeler à de nouvelles élections législatives pour mater une Assemblée nationale rebelle.

 

Une politique de grandeur et prestige

L’œuvre constitutionnelle terminée, la crise algérienne réglée, la décolonisation des autres territoires français quasi acquise (la plupart des États obtiennent leur indépendance en 1960), De Gaulle put véritablement engager la France dans la politique de grandeur et de prestige qu’il appelait de ses voeux, tout en maintenant l’ancrage du pays dans le bloc occidental, comme en a témoigné le soutien du général de Gaulle au président américain Kennedy contre le leader soviétique Khrouchtchev au cours de la crise des missiles de Cuba en 1962. Toutefois, il essaya de réduire l’assujettissement de la France à la puissance américaine en menant une politique d’indépendance nationale :

  • il encouragea la poursuite du programme nucléaire français : la première bombe atomique française a explosé à Reggane, dans le Sahara algérien, le 13 février 1960.
  • Malgré son opposition au supranationalisme (De Gaulle était favorable à une « Europe des patries»), il ne sortit pas la France de la Communauté économique européenne (CEE) créée par le traité de Rome du 25 mars 1957 : la politique agricole commune (PAC) entra en vigueur en juillet 1962 et la politique de la chaise vide prit fin en 1966. Il refusa cependant l’entrée du Royaume-Uni au sein de la CEE, car trop liée aux États-Unis.
  • Il poursuit l’œuvre de « réconciliation franco-allemande » dont le moment clé fut la signature du traité de l’Élysée le 22 janvier 1963.
  • Il fit de la France le premier pays à reconnaître la République populaire de Chine (c’est-à-dire la Chine communiste, née en 1949) en janvier 1964.
  • D’octobre à septembre 1964, il visita dix États d’Amérique du Sud et appela à la coopération avec la France.
  • Il sortit la France du commandement intégré de l’OTAN en 1966.
  • Malgré des relations parfois difficiles, il tenta de rapprocher la France de l’URSS et effectua un voyage dans ce pays en juin 1966. De Gaulle considérait l’Europe comme une réalité géographique qui allant de « l’Atlantique à l’Oural ».
  • Il stigmatisa publiquement la politique extérieure des États-Unis : le 1er septembre 1966, il prononça un discours de Phnom Penh contre la guerre au Vietnam.
  • Le 24 juillet 1967, dans un discours prononcé à Montréal, par son « vive le Québec libre » provocateur, il voulut défendre la présence culturelle française en Amérique du Nord.
  • Il posa les fondements, avec son homme de confiance Jacques Foccart, de la « Françafrique », c’est-à-dire le système de relations privilégiées de la France avec ses anciennes colonies africaines. La France disposait ainsi, en Afrique, d’un « pré carré » d’influence.

Sa politique extérieure fut servie par une économie qui profita de la période d’expansion économique surnommée les « Trente Glorieuses ». L’État dirigeait une économie dans laquelle les entreprises nationalisées étaient puissantes, et dont la croissance était forte (entre 4% et 6,5%). Le plan Pinay-Rueff (décembre 1958) fut adopté pour lutter contre l’inflation et pour rétablir la balance des paiements. Il introduit notamment un nouveau franc en janvier 1960.

La présidence de De Gaulle ne fut pas non plus sourde aux évolutions des la société : la « loi Neuwirth », adoptée le 28 décembre 1967, légalisait la contraception en France. Il permit aussi par l’ordonnance 17 août 1967 la participation des salariés (des entreprises de plus de 100 salariés) aux bénéfices des entreprises.

 

Deux crises de règne : Mitterrand et mai 1968

Après 1962, la présidence de De Gaulle ne connut « que » deux crises : l’une mineure, l’autre majeure. La première est sa mise en ballotage par le candidat de la gauche François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1965. En effet, le général ne rassembla « que » 44,6% des voix au premier tour, et 55,2% des voix au second tour. Cette élection fut pourtant un bon signe pour le nouveau régime : elle témoignait de la vitalité démocratique de la société française. Cette première élection du président de la République française au suffrage universel direct (depuis le 10 décembre 1848) n’a donc pas donné lieu à une unanimité sclérosante. 

La seconde crise, celle-ci majeure, de la république gaullienne, fut mai 1968. La révolte étudiante, couplée à une grève générale, ébranla le président, qu’il eut du mal à comprendre (« la réforme oui, la chienlit, non »). Le 29 mai 1968, celui-ci organise sa disparition. Si la crise finit par résorber, elle témoigna d’une lassitude naturelle de l’opinion à l’égard du pouvoir. La longue association du président avec Georges Pompidou, qui avait mené les négociations aboutissant aux accords de Grenelle, prit fin le 10 juillet 1968. Un an plus tard, le 27 avril 1969, un referendum sur la régionalisation fut organisé. Le « non » l’emporta avec le 52,4% des voix. Conformément à sa conception de la pratique du pouvoir, en relation directe avec le peuple, De Gaulle avait annoncé qu’en cas d’échec, il quitterait ses fonctions. Il s’exécuta le 28 avril.

 

Georges Pompidou (1969 – 1974) : le continuateur

presidents 5 v republique pompidou

Après la démission de Charles de Gaulle, le président du Sénat, Alain Poher (1909 – 1996) occupa la fonction de président de la République par intérim. Mais il fut battu au second de tour de l’élection présidentielle du 15 juin 1969 par l’ancien Premier ministre Georges Pompidou, qui devint président de la République avec 58,2% des voix, soit 11 millions de voix environ. Le parti communiste restait puissant (Jacques Duclos obtint 21,3% des voix) et la gauche s’effondra : Gaston Defferre, candidat de la SFIO, fut éliminé dès le premier tour avec ses 5%. Quatre ans plus tôt, Mitterrand mettait pourtant De Gaulle en ballotage. La présidence de Georges Pompidou prend aujourd’hui une part limitée dans la mémoire des Français. Cela s’explique par sa brièveté et parce qu’elle figure comme une continuation de l’élan fondateur gaulliste.

 

La nouvelle société

En choisissant comme Premier ministre Jacques Chaban-Delmas, le pouvoir s’orienta cependant vers une certaine modernisation de la société. Georges Pompidou ne fut pas sourd aux demandes de changements que portaient mai 1968. Dans son discours du 16 septembre 1969, « Chaban » appela à la construction d’une « nouvelle société », plus ouverte à la participation des citoyens, au dialogue social, à la liberté d’expression, et servie par un État plus souple. Il fut toutefois remplacé par un autre « baron » du gaullisme, plus conservateur, Pierre Mesmer, le 5 juillet 1972.

 

Une politique d’expansion

Le gouvernement, qui bénéficiait d’une croissance économique importante (6,6% en 1973), décida de mener une politique de restructuration et de regroupement d’entreprises pour faire face à la concurrence étrangère. Une politique de construction d’infrastructures fut en outre initiée. On décida par exemple de construire la première ligne TGV entre Paris et Lyon. Pour répondre au développement de la voiture, quatre-cents kilomètres d’autoroutes furent mises en chantier. Georges Pompidou voulut d’ailleurs adapter Paris à l’automobile : le périphérique fut par exemple inauguré le 25 avril 1973. Un grand plan autoroutier pour Paris fut en outre établi : il prévoyait un maillage serré de la capitale par des voies rapides. La construction des voies sur berge est finalisée mais celle des autres voies fut abandonné par le président suivant.

L’élan modernisateur touche aussi la politique culturelle. Georges Pompidou fut à l’origine du musée qui porte aujourd’hui son nom au centre de Paris, à Beaubourg. Derrière l’ouverture de ce musée, l’idée était de maintenir le statut de Paris comme capitale mondiale de l’art (distancée par New York).

 

L’entrée du Royaume-Uni dans la CEE

Georges Pompidou fit un virage important en politique européenne en approuvant l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté économique européenne. Le traité de Bruxelles, signé le 22 janvier 1972, acta l’entrée du Danemark, de l’Irlande, du Royaume-Uni et de la Norvège dans la CEE. Ce premier élargissement européen est approuvé fut référendum par le peuple français le 23 avril 1972. Seule la Norvège refusa finalement d’adhérer à la CEE. 

 

La fin d’une époque : les Trente Glorieuses

Le règne pompidolien conclut la période des « Trente Glorieuses » françaises. L’année 1973 fut celle du premier choc pétrolier. Elle conclut la « mise à niveau » de l’économie française par rapport à celle des États-Unis. Georges Pompidou mourut en cours de mandat le 2 avril 1974. Alain Poher débuta un nouvel intérim.

 

Valéry Giscard d’Estaing (1974 – 1981) : le moderne

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Une volonté de renouvellement 

L’élection présidentielle de 1974 marqua un reflux de l’élan fondateur gaullien et une volonté de renouvellement. En effet, le second tour opposa un candidat du centre-droit (libéral) et donc non gaulliste, Valéry Giscard d’Estaing (VGE), au candidat du jeune parti socialiste (1969), François Mitterrand. Le candidat gaulliste, Jacques Chaban-Delmas, qui avait été un Premier ministre pourtant moderniste sous Georges Pompidou, fut éliminé dès le premier tour avec seulement 15% des voix.

Valéry Giscard d’Estaing fut élu président de la République le 19 mai 1974 avec 50,8% des voix, soit 13 396 203 suffrages. François Mitterrand fut une nouvelle fois battu, malgré un net progrès par rapport à 1965. Le candidat socialiste avait fait preuve de moins de maîtrise au cours du débat télévisé de l’entre-deux-tours, le premier de l’histoire en France. Son adversaire sut le « moucher » avec sa célèbre réplique : « vous n’avez pas le monopole du cœur».

Valéry Giscard d’Estaing était alors le plus jeune président de la Ve République à son élection (quarante-huit ans). Il était en outre le premier président à être issu de la technocratie constituée après-guerre : il était polytechnicien et ancien élève de l’École nationale d’administration. Bien que ministre des Finances sous De Gaulle et de l’Économie et des Finances sous Pompidou, il ne s’inscrivait pas dans le courant gaulliste mais dans le centre-droit libéral, qui avait soutenu le « non » au référendum de 1969.

 

Le risque gaulliste

Il choisit cependant un Premier ministre gaulliste : Jacques Chirac. Valéry Giscard d’Estaing fit le choix de ne pas dissoudre l’Assemblée à son entrée en fonction et conserva donc la 5e législature, élue en 1973. Sa majorité était donc fragile : il dut compter sur les 183 députés gaullistes pour gouverner, alors que son parti, les Républicains indépendants (RI), n’en comptait que 55 (plus les 34 députés des Réformateurs démocrates sociaux, et les 30 députés des Union centriste puis Réformateurs démocrates sociaux).

 

Une politique modernisatrice

Le nouveau président voulut mener une politique de modernisation de la société française. Ce sont d’ailleurs les lois sociales et sociétales prises sous son mandat qui sont le mieux restées dans les mémoires jusqu’à aujourd’hui. Le bilan est notable :

 

Une politique de crise

Le bilan économique du président de la République fut plus contrasté. La période d’expansion économique des « Trente Glorieuses » était terminée.  VGE hérita en effet des conséquences du premier choc pétrolier, aggravées par celles du deuxième (1979) :

  • augmentation du prix des matières premières ;
  • montée du chômage (3,4% de la population active en 1974, 6,2% en 1979) ;
  • faiblesse de la croissance économique (elle passa de 6,57% en 1973, à 0,71 en 1975, mais remonta ensuite) ;
  • inflation (13,7% en, 1974, 11,8% en 1975 !).

Les années 1970 furent une période de « stagflation » : croissance molle, chômage fort et inflation élevée. Pour y faire face, le gouvernement mena une politique de refroidissement (d’austérité). Le Premier ministre Raymond Barre, professeur d’économie sans étiquette qui prit le relai de Jacques Chirac en 1976 (tout en étant ministre de l’Économie et des Finances jusqu’en mars 1978), eut pour priorité de lutter contre l’inflation, de réduire le déficit budgétaire et de rééquilibrer la balance du commerce extérieur. Le changement d’heure fut organisé pour la première fois en 1975 pour faire des économies d’énergie.L’immigration de travail fut arrêtée. Cependant, un décret du 29 avril 1976 organisa le droit au regroupement familial.

Au niveau européen, VGE poussa avec le chancelier allemand Helmut Schmidt à la création du Conseil européen (1974) et à l’instauration Sytème monétaire européen (1979). Il participa au niveau mondial aux premières réunions du G6 (créé en 1975).

 

Un affaiblissement progressif

Les résultats de la politique de lutte contre la crise étaient mitigés : en 1981, le chômage, plus haut que jamais, s’élevait à 7,9% et la croissance du PIB, atone, à 1%.  Deux éléments vinrent accentuer les difficultés du président de la République. Le premier était l’installation d’une rivalité avec son ancien Premier ministre Jacques Chirac, démissionnaire en 1976. Celui-ci créa le Rassemblement pour la République (RPR) en 1976. Ce nouveau parti gaulliste fut une véritable « machine de guerre » destinée à servir les ambitions présidentielles de son fondateur. Le 6 décembre 1978, Jacques Chirac signa « l’appel de Cochin », communiqué par lequel il dénonçait « l’Europe fédérale » et le « parti de l’étranger », visant par là insidieusement l’Union pour la démocratie française (UDF), parti centriste fondé par VGE en 1978. Le second fut la longue « affaire des diamants de Bokassa » lancée le 10 octobre 1979 par le Canard enchaîné. VGE aurait reçu en 1973 des diamants du dirigeants de la Centrafrique, Jean-Bedel Bokassa, alors qu’il était ministre des Finances.

Son allocution d’adieu, prononcée le 19 mai 1981 à la télévision, est restée célèbre pour le « au revoir » incongru qui la conclut.

François Mitterrand (1981 – 1995) : le prince

presidents 5 v republique mitterrand

La première alternance

L’élection présidentielle de 1981 se présentait comme une « revanche » de celles de 1974. Comme ces dernières, le candidat gaulliste, cette fois-ci Jacques Chirac, fut éliminé au premier tour (18% des voix). François Mitterrand et VGE durent s’affronter au second. Mitterrand était mieux préparé au débat télévisé qui se déroula le 5 mai 1981. La victoire rhétorique lui revint : lui qui avait été traité d’homme du passé sept ans plus tôt qualifia son contradicteur « d’homme du passif ». Il lui interdit avec succès, de le traiter comme « son élève ».

Le candidat socialiste fut élu président de la République le 10 mai avec 51,8 % des suffrages. La Ve République connut donc son premier président de gauche. Les Français allaient connaître le plus long mandat présidentiel de leur histoire, toutes républiques confondues : 14 ans.

 

La politique du gouvernement socialiste de 1981 : « changer la vie »

Le nouveau président choisit Pierre Mauroy (1928 – 2013) pour Premier ministre. Nouveauté notable : quatre ministres communistes firent leur entrée au gouvernement, suscitant la crainte chez certains Français d’une « arrivée imminente des chars soviétiques ». Pierre Mauroy était chargé de mettre en application l’ambitieux programme socialiste (les 110 propositions pour la France) qui proposait une voie moyenne entre capitalisme et communisme. Selon l’expression du programme commun de 1972, le nouveau pouvoir voulait « changer la vie ».

Le gouvernement socialiste voulait donc transformer l’économie :

  • le 1er février 1982 (ordonnance du 16 janvier 1982), la semaine de 39 heures fut instituée ainsi qu’une cinquième semaine de congés payés ;
  • le 13 février 1982, une loi nationalisa de grands groupes industriels français (Saint-Gobain, Sacilor, Pechiney, etc.) et 39 établissements financiers. Une partie importante de l’économie passe sous le contrôle de l’État : 15 % du secteur privé, soit 30 % du chiffre d’affaires de l’industrie et 95 % de l’activité de crédit ;
  • un impôt sur les grandes fortunes fut créé ; 
  • le droit à la retraite à 60 ans fut reconnu (en vigueur à partir du 1er avril 1983) ;
  • les lois Auroux de 1982 remanièrent largement le Code du travail pour mieux protéger les salariés (droit de retrait, création des Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, etc.).

Pour lutter contre la crise, le gouvernement Mauroy lança en outre une politique de relance économique. 10 milliards de francs furent injectés dans l’économie. L’État embaucha 55 000 fonctionnaires, il releva le SMIC de 10% et augmenta les allocations. 

En parallèle, des lois sociales et sociétales importantes furent adoptées :

  • l’abolition de la peine de mort par la loi de 18 septembre 1981 ;
  • la fin du monopole de l’État de la radiodiffusion par la loi du 9 novembre 1981 : de nombreuses stations de radio virent le jour ;
  • le remboursement de l’IVG par la « loi Roudy » du 31 décembre 1982 ;
  • « l’acte I de la décentralisation » fut adopté par les « lois Defferre » : l’État confia certains pouvoirs aux collectivités locales.

 

Vers le « tournant de la rigueur »

Cependant, l’inflation et le chômage restèrent forts (6,9% en 1983, 8% en 1984), le franc en crise subit plusieurs dévaluations et la croissance du produit intérieur brut reste faible (1,26% en 1983). Devant l’échec de la politique de relance, prise à contretemps dans un contexte d’économie ouverte, François Mitterrand hésita entre rompre avec ses partenaires européens, comme le lui conseilla Jean-Pierre Chevènement, ou changer de politique économique, c’est-à-dire épouser le grand mouvement néolibéral d’alors, option qui avait le soutien du Premier ministre, du ministre de l’Économie et des Finances Jacques Delors et du ministre du Budget, Laurent Fabius.

Le président de la République choisit la deuxième option. Ce fut l’amorce du « tournant de la rigueur », début d’une politique économique plus libérale, qui se traduisit par une augmentation des impôts, un contrôle accru des changes et une politique de réduction du déficit budgétaire.

 

Le grand œuvre : l’Europe

L’appropriation collective des moyens de production ne fut pas le grand œuvre de François Mitterrand. Son volontarisme se tourna plutôt vers l’Europe. La construction européenne évolua de manière spectaculaire sous son mandat :

  • les accords de Schengen furent signés en 1985 ;
  • l’Acte unique européen fut signé en 1986. Jacques Delors, président de la Commission européenne à partir de janvier 1986, en fut le grand instigateur ;
  • le traité de Maastricht, le traité fondateur de l’Union européenne, fut signé en 1992, après approbation par un referendum, au résultat très serré toutefois (20 novembre 1992) : 51,04% de oui.

Achèvement plus économique et symbolique, le tunnel sous la Manche, débuté en 1987, fut achevé en décembre 1993.

 

La première cohabitation

Cela ne suffit pas à tarir la défiance de l’opinion, même si Pierre Mauroy fut remplacé en 1984 par le jeune et dynamique Laurent Fabius. Les élections législatives de 1986 furent un échec pour le parti socialiste : la droite emporta la majorité avec 290 sièges. Pour la première fois, le pouvoir législatif et pouvoir exécutif ne coïncidaient pas. François Mitterrand ne démissionne pas. Jacques Chirac devint Premier ministre pour la deuxième fois, initiant la première cohabitation.

Inspirée par le néolibéralisme anglais et américain de Thatcher et Reagan, cohérente avec l’évolution de la construction européenne, la droite mena une politique de libéralisation et de privatisation.

 

Une Ve République souple

La Ve République se révèle « souple ». Elle s’adapta bien, en effet, à la cohabitation. Une division du travail se mit alors en place entre les deux dirigeants de camps opposés : le président conservait ses prérogatives dans les Affaires étrangères et européennes. Jacques Chirac « devait faire » avec François Mitterrand, pour éviter son obstruction.

Cette division nouvelle du pouvoir fut facilitée par le caractère gaullien de la politique étrangère du président de la République, à tel point que l’on a parlé de gaullo-mitterrandisme. En effet, François Mitterrand ne chercha pas à modifier les fondements de l’indépendance militaire et diplomatique de la France. La dissuasion nucléaire ne fut pas remise en cause (et même défendue âprement, comme en témoigna l’affaire du Rainbow Warrior en 1985), la sortie du commandement intégré de l’OTAN non plus.

En même temps, le président de la République confirma l’ancrage de la France dans le camp occidental. Il soutint notamment l’installation de missiles Pershing en Allemagne en pleine « crise des euromissiles ». La guerre froide terminée, il fit participer la France à la guerre du Golfe du côté de la coalition dirigée par les États-Unis.

 

Le deuxième mandat

La cohabitation n’empêcha pas la réélection facile de François Mitterrand contre son Premier ministre Jacques Chirac le 8 mai 1988 (avec 54% des voix), après un débat télévisé de l’entre-deux-tours humiliant pour le candidat gaulliste. François Mitterrand fut le premier président de la Ve République a avoir été élu deux fois au suffrage universel direct. Cette réélection n’empêcha pas toutefois une deuxième période de cohabitation qui fit suite à la défaite de la gauche aux législatives de 1993. Édouard Balladur devint alors Premier ministre.

Avant cette seconde cohabitation, François Mitterrand a « multiplié » les chefs du gouvernement :

  • il nomma d’abord son grand rival du parti socialiste, Michel Rocard (1930 – 2016), le temps de « l’user » politiquement. Réforme notable de ce ministériat : la création du Revenu minimal d’insertion (RMI) en 1988.
  • Édith Cresson, première femme à ce poste, succéda à Michel Rocard en mai 1991 pour un mandat très bref (de mai 1991 à avril 1992).
  • Elle fut remplacée par Pierre Bérégovoy (1925 – 1993), homme d’extraction populaire comme Pierre Mauroy. Le dernier Premier ministre socialiste de François Mitterrand mourut un mois après la cessation de ses fonctions dans des circonstances mystérieuses.

À cette affaire mystérieuse s’ajouta une accumulation de polémiques qui touchèrent directement François Mitterrand : les révélations sur sa fille cachée Mazarine, sur son rôle sous Vichy (révélé au grand public par le livre de Pierre Péan, Une jeunesse française. François Mitterrand, 1934-1947), l’affaire des écoutes de l’Élysée, son amitié avec le collaborateur René Bousquet, son état de santé, etc.

 

Un « président présidentiel »

Pourtant, François Mitterrand ne perdit pas de « sa superbe ». La stature présidentielle de François Mitterrand ne fut pas profondément affectée par ces affaires, car il sut incarner la fonction dans ce qu’elle demande de distance et de sacralité. François Mitterrand fut peut-être le dernier « président présidentiel » de la Ve République, c’est-à-dire le dernier à concevoir sa fonction comme celle d’un arbitre, placé au-dessus de la mêlée et qui définit les grandes orientations de la politique du pays. 

Le bon déroulement institutionnel de son mandat prouva en outre la souplesse de la Ve République et sa solubilité dans une vie démocratique qui vit de l’alternance. François Mitterrand a été en effet un opposant historique à De Gaulle. Mais ses deux mandats ont renforcé des institutions qu’il dénonçait pourtant comme un « coup d’État permanent » dans un livre célèbre paru en 1964.

 

Un président bâtisseur

Dernier élément d’importance, François Mitterrand a laissé une trace importante dans le paysage de la capitale. En effet, son héritage est important : Arche de la Défense, Pyramide du Louvre, Bibliothèque nationale de France (qui porte désormais son nom), Opéra de la Bastille, Institut du monde arabe, Parc de la Villette, bâtiment du ministère de l’Économie et des Finances à Bercy. On peut aussi noter la construction du centre culturel kanak Tjibaou en Nouvelle-Calédonie.

Rongé par un cancer détecté dès 1981, François Mitterrand s’éteignit moins d’un an après la fin de son mandat, le 8 janvier 1996.

Jacques Chirac (1995 – 2007) : le régent

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Une élection surprise

Jacques Chirac fut élu président de la République le 7 mai 1995 avec 52,6% des voix contre le candidat socialiste Lionel Jospin. Cette victoire fut une surprise. Bien que soutenu par le RPR, le candidat malheureux des élections de 1981 et 1988 était déclaré perdant au premier tour face à un autre candidat de la droite, le Premier ministre Édouard Balladur (soutenu, notamment, par Nicolas Sarkozy). Mais la campagne dynamique de Jacques Chirac, centrée sur le thème de la réduction de la « fracture sociale » a été aidée par la campagne elle désastreuse du Premier ministre.

La carrière de Jacques a traversé les débuts de la Ve République. Technocrate sorti de l’École nationale d’administration en 1959, proche de Georges Pompidou, il est ministre ou secrétaire d’État sous toutes les présidences, et deux fois Premier ministre (de 1974 à 1976 et de 1986 à 1988).

 

L’oubli de la fracture sociale

La droite revenue au pouvoir ne mena pas une politique sociale comme semblait l’annoncer le thème central de la campagne. Alain Juppé devint en effet Premier ministre. Il mena une politique de rigueur impopulaire. Devant l’accumulation des difficultés et le constat amer du président de la République sur l’impossibilité de faire des réformes en France, ce dernier tenta un « coup tactique » : dissoudre l’Assemblée nationale où il disposait pourtant de la majorité. La dissolution fut actée en avril 1997.

 

La troisième cohabitation : Lionel Jospin Premier ministre

La gauche remporta les élections législatives qui suivirent et obtint la majorité à l’Assemblée nationale. C’est fut une défaite humiliante pour le président. Une nouvelle période de cohabitation débuta. Ce fut la plus longue des trois : cinq ans. Lionel Jospin devint Premier ministre.

La « gauche plurielle » (composée du Parti socialiste, mais aussi du Parti communiste, des Verts, du Mouvement des citoyens de Jean-Pierre Chevènement et du Parti radical de gauche) mena une politique intérieure ambitieuse :

  • nomination d’une femme à un ministère régalien : Élisabeth Guigou devint garde des Sceaux ;
  • création des « emplois-jeunes  » en 1997 ;
  • création de la couverture maladie universelle (CMU) en 1999 ;
  • création du pacte civil de solidarité (PACS) en 1999 ;
  • mise en place de la réforme des 35 heures (effective à partir du 1er janvier 2002) ;

Le gouvernement Jospin bénéficia en outre d’une bonne conjoncture économique internationale. En l’an 2000, la croissance du PIB était de 3,9%. Une affaire rendit la position de Jacques Chirac d’autant plus difficile : celle des emplois fictifs de la mairie de Paris, qui éclate en 1999.

Les actes les plus saillants de son premier mandat restèrent la reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans la déportation des Juifs au cours du discours du « Vél d’Hiv » du 16 juillet 1995 et la suspension du service militaire en février 1996.

 

La naissance du quinquennat

Le référendum du 24 septembre 2000 demanda aux Français s’ils souhaitent réduire le mandat du président de la République de sept à cinq ans. Malgré une très faible participation (30,19%), le « oui » l’emporte avec 73,21% des voix.

Le quinquennat était né, accentuant la présidentialisation du régime. 

 

La réélection après un séisme

Malgré ce bilan chétif, Jacques Chirac fut réélu président de la République le 8 mai 2002. À la surprise de tous, son adversaire du second tour ne fut pas son Premier ministre Lionel Jospin, mais Jean-Marie Le Pen, le candidat du Front national. Le candidat socialiste n’avait récolté que 16,18% des voix, moins que les 16,86% de Jean-Marie Le Pen.

L’accession d’un candidat de l’extrême-droite au second tour de l’élection présidentielle frappa le pays. Un « front républicain » émergea pour lui faire face. Jacques Chirac en bénéficia en récoltant 82,21% des voix.

 

Une nouvelle donne politique

La droite, gaulliste et libérale, fut rassemblée sous la bannière de l’UMP, fondée en 2002. Il obtint la majorité à l’Assemblée après les élections législatives de juin. Le risque de cohabitation fut rendu quasi nul par le quinquennat : les mandats de président de la République et de député étaient désormais de même durée et coïncidaient dans le temps.

 

Une politique timide

Le début du quinquennat de Jacques Chirac fut surtout marqué le refus de celui-ci d’engager la France dans la guerre en Irak, initiée par les États-Unis en mars 2003. Le président de la République y gagna l’image d’un président « gaullo-mitterrandien ». Il n’avait en revanche pas hésité à engager la France dans la guerre en Afghanistan en 2001, à la suite des attentats du World Trade Center.

Des réformes importantes furent en outre menées, comme « l’acte II de la décentralisation » par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 (la décentralisation fut inscrite à l’article 1er de la Constitution) et la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Le gouvernement poursuivit aussi le mouvement des privatisations.

La politique du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, choisi après la victoire de 2002, fut néanmoins timide. Elle ne répondit pas au défi représenté par une élection présidentielle avec plus de 80% des suffrages

 

L’échec du référendum de 2005

Elle fut sanctionnée par l’échec du référendum sur le traité établissant une constitution pour l’Europe du 29 mai 2005. Le « non » l’emporta largement avec 54,68% des suffrages.

Ce refus exprima en outre, après la très difficile victoire du « oui » au référendum sur le traité de Maastricht de 1992, une défiance accrue à l’égard de la construction européenne.

 

Un gouvernement de fin de mandat

Contrairement à De Gaulle en 1969, Jacques Chirac ne démissionna pas. Il choisit Dominique de Villepin comme Premier ministre à la place de Jean-Pierre Raffarin. Ce nouveau gouvernement fut celui d’un président affaibli. Il ne put résister à l’entrée au gouvernement d’un ambitieux « présidentiable », Nicolas Sarkozy, président de l’UMP depuis 2004. Celui-ci obtint le ministère de l’Intérieur, qui lui servira de rampe de lancement à sa future campagne. Le gouvernement Villepin dut faire face à d’importantes émeutes dans les banlieues qui firent suite à la mort de deux adolescents le L’année suivante, le projet de mise en place d’un contrat premier embauche (CPE) suscite un important mouvement d’opposition. Le gouvernement finit par reculer. Dominique de Villepin ne put plus faire barrage à la montée de Nicolas Sarkozy. 

Contrairement à son prédécesseur, Jacques Chirac ne laissa qu’un seul grand monument comme « témoignage » de son mandat : le musée des arts et civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques, ou musée du quai Branly, qui porte désormais son nom.

 

Nicolas Sarkozy (2007 – 2012) : l’hyperprésident

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La victoire de la « rupture »

L’élection présidentielle de 2007 donna lieu à une effervescence démocratique qui se traduisit par un taux de participation particulièrement élevé : 83,77% au premier tour, puis 83,97% au second tour. Celle-ci consacrait la victoire du candidat de l’UMP, Nicolas Sarkozy, contre la candidate du parti socialiste Ségolène Royale, avec 53,06% des voix.

Nicolas Sarkozy avait axé sa campagne sur l’idée de « rupture tranquille ». Son discours mettait en valeur le mérite tiré du travail (« travailler plus pour gagner plus ») et l’autorité, qu’il incarnait comme ministre de l’Intérieur. Le passage de Nicolas Sarkozy place Beauvau signalait d’ailleurs l’arrivée du règne des « petites phrases », c’est-à-dire des citations polémiques destinées à faire l’actualité, comme l’illustrent :

  • cette phrase prononcée le 19 juin 2005 à la cité des 4000 à La Courneuve : « Dès demain, on va nettoyer au Karcher la cité. On y mettra les effectifs nécessaires et le temps qu’il faudra, mais ça sera nettoyé » ;
  • ou « Vous en avez assez de cette bande de racailles ? On va vous en débarrasser » prononcée à Argenteuil le 25 octobre 2005. 

 

Un gouvernement d’ouverture et de faillite

Le président de la République choisit pour Premier ministre François Fillon.

Il décida en outre d’expérimenter « l’ouverture », en proposant des postes ministériels à des personnalités proches ou réputées proches de la gauche ou venant de la société civile, afin d’étendre sa base de soutien. Bernard Kouchner fut par exemple nommé au ministère des Affaires étrangères.

François Fillon déclara cependant dès le 21 septembre 2007 être à la tête d’un État en faillite, sentence qui tranchait avec l’optimisme libéral portant la campagne du président.

 

L’avènement d’un « hyperprésident »

L’action du Premier ministre et de son gouvernement fut de toute façon rapidement éclipsée par celle de « l’hyperprésident ». L’activité effrénée de Nicolas Sarkozy monopolisait l’attention médiatique. Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, la politique du pays semblait se résumer exclusivement à l’action de son président. Ce dernier qualifia d’ailleurs François Fillon de « collaborateur » («Le premier ministre est un collaborateur, le patron, c’est moi »). Une « ouverture » (limitée) était possible car le gouvernement était moins « gouvernant » que les précédents.

Avec le quinquennat, la Ve République s’est présidentialisée. On lit parfois que le président est passé du statut d’« arbitre » à celui de capitaine.

 

Les réformes libérales d’un président « américain »

Nicolas Sarkozy, qui voulut donner l’image d’un président efficace, fit adopter trois lois importantes dès le début du quinquennat :

  • la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (« loi LRU») : elle prévoyait que les universités disposent d’une autonomie budgétaire et d’un contrôle accru dans la gestion de leurs ressources humaines ;

  • la loi TEPA ou « paquet fiscal » du 21 août 2007 : cette loi fut l’application directe de l’esprit de la campagne de Nicolas Sarkozy : exonération des heures supplémentaires de cotisations et d’impôts, allègement des droits de successions et abaissement du bouclier fiscal (plafond de l’imposition globale d’un contribuable) à 50% ;

  • la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs qui instaura un service garanti en cas de grève ou de perturbation.

Ces lois furent d’inspiration libérale ou néolibérale : le nouveau président prit pour modèle les États anglo-saxons, notamment les États-Unis, si bien qu’il fut parfois qualifié d’« américain». Promouvant un rapport décomplexé à l’argent, il fit augmenter son indemnité de 7084 euros à 19 331 euro par mois, soit une augmentation de 172%.

En même temps, le gouvernement chercha à faire des économies sur le train de vie de l’État en modernisant l’action publique : la révision générale des politiques publiques (RGPP) fut lancée dès juin 2007.

La dimension « autorité » de la politique de Nicolas Sarkozy ne fut pas en reste. Un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale fut créé puis placé sous l’autorité d’un fidèle du président, Brice Hortefeux. La loi du 10 août 2007 sur la récidive instaura des peines planchers.

 

Activisme à l’extérieur

L’Europe fut un volet important de la politique sarkozienne. Le 13 décembre 2007, Nicolas Sarkozy signa avec les autres chefs d’État ou de gouvernement de l’Union européenne le traité de Lisbonne. Ce traité rénova profondément le cadre institutionnel de l’Union, en lieu et place du Traité établissant une constitution pour l’Europe, dont l’adoption avait été empêchée par les refus français et néerlandais par référendum en 2005. Cette fois-ci, le traité fut adopté par voie parlementaire le 8 février 2008, après modification de la Constitution en Congrès le 4 février. Cette adoption suscita de fortes critiques : ce qui avait été rejeté par le peuple français en 2005 fut finalement adopté par l’Assemblée deux ans après.

La présidence française du Conseil de l’Union européenne du 1er juillet au 31 décembre 2008 donna au président de la République l’occasion de développer son activisme :

  • il tenta de jouer le rôle de médiateur entre la Russie et la Géorgie pendant la Deuxième guerre d’Ossétie du Sud ;
  • il organisa le lancement d’une l’Union pour la Méditerranée en juillet ;
  • il poussa à l’adoption d’un Pacte européen de l’immigration et de l’asile adopté en octobre ;

La politique extérieure de Nicolas Sarkozy fut aussi jalonnée de plusieurs « coups d’éclat » comme la libération des infirmières bulgares détenues en Libye, ou la libération d’Ingrid Bettencourt, détenue par les FARC en Colombie. Certains épisodes furent médiatiquement douloureux, à l’image de la visite du colonel Kadhafi à Paris en décembre 2007, qui s’installa dans une tente.

 

Une série de réformes importantes

Le premier chapitre du quinquennat fut aussi marqué par une importante réforme de la Constitution. La loi du 23 juillet 2008 modifia plus de la moitié des articles de la Constitution. Les principales innovations furent l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité, l’impossibilité d’effectuer plus de deux mandats de président de la République consécutifs, le renforcement du pouvoir du contrôle du Parlement et la création d’un Défenseur des droits.

Plus original pour un président de droite, l’organisation du grenelle de l’Environnement du 6 juillet au 25 octobre 2007 réunit partenaires sociaux, ONG, représentants d’États et de collectivités locales. Il fixa des objectifs ambitieux pour la protection de l’environnement.

Nicolas Sarkozy lança aussi le projet du Grand Paris, projet de constitution d’une métropole rassemblant la capitale et 130 villes de la petite et de la grande couronne, afin de faire face à la concurrence internationale. En parallèle fut lancé le chantier du « Grand Paris Express », projet de constructions de lignes de transports reliant la capitale et la banlieue ou les banlieues entre elles.

 

La désacralisation de la fonction présidentielle

Malgré ce réformisme résolu, la popularité du président chuta et s’installa durablement sous la barre des 40% (TNS Sofres). Nicolas Sarkozy ne parvint pas à « endosser l’habit » de monarque républicain : il fut plus capitaine qu’arbitre. Peu protégé par un Premier ministre éclipsé qui ne put lui servir de « fusible », il était en première ligne face aux mouvements d’opinion et aux mécontentements.

La fonction présidentielle fit l’objet d’une certaine désacralisation. Des polémiques à la portée symbolique forte renforcèrent cette impression : dîner au Fouquet’s le soir de l’élection, vacances ensuite sur le yacht de l’homme d’affaires Vincent Bolloré, augmentation du traitement du président, mise en avant de sa vie privée (séparation avec sa femme Cécilia, déclaration sur sa relation avec Carla Bruni : « avec Carla, c’est du sérieux »), épisode du « Casse-toi, pauv’ con ! » au Salon de l’agriculture en 2008, etc.

 

L’éclatement de la crise financière et poursuite des réformes

Le second chapitre de la présidence Sarkozy s’ouvrit avec la crise financière de 2008, dont le signal le plus impressionnant fut la faillite de la banque Lehman Brothers le 15 septembre. Le PIB français recula de 2,6% en 2009. C’est fut la récession la plus importante depuis l’après-guerre. En conséquence, l‘Italie et la Grèce connurent des situations financières très difficiles. La crise grecque commença en octobre 2009, lorsque le Premier ministre du pays, Georges Papandreou, releva la prévision de déficit de plus de 6 points. La monnaie commune européenne, l’euro, était menacée.

Face à la gravité de la situation, Nicolas Sarkozy voulut agir avec fermeté et rapidité. L’Eurogroupe (la réunion des ministres des Finances des différents États membres) se réunit à Paris en octobre 2008 pour décider d’un plan de sauvetage européen pour les banques. Il annonça en décembre de la même année le lancement d’un grand plan de relance de l’économie de 26 milliards d’euros (en réalité 34 milliards), comportant un volet social et prévoyant de grands travaux. La dette publique explosa : elle passa de 68% du PIB en 2008 à 78,9% en 2009.

Le président de la République n’abandonna pas pour autant son réformisme. La plus importante fut la réforme des retraites, publiée au Journal officiel le 10 novembre 2010. Ses mesures essentielles furent le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, le recul de l’âge du taux plein de 65 à 67 ans à l’horizon 2023 et la prise en compte de la pénibilité. Cette réforme suscita un important mouvement social qui éreinta de nouveau la popularité la popularité du président. Celle-ci souffrait encore plus de polémiques à répétition et de la multiplication des affaires : la présidence de l’EPAD de Jean Sarkozy, l’affaire Woerth-Bettancourt, l’affaire Boutin, les affaires Blanc et Joyandet, la polémique tunisienne de Michèle Alliot-Marie alors ministre des Affaires étrangères et le déclenchement de l’affaire Karachi.

 

L’OTAN, le Qatar et l’intervention en Libye

Au-delà de la crise européenne, la politique étrangère donna à Nicolas Sarkozy l’occasion de pallier les difficultés intérieures. Il traduisit politiquement dans un premier temps son atlantisme en mars 2009 en actant la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN (que De Gaulle avait quitté en 1966). Un paradoxe difficile à expliquer pour un candidat issu d’une lignée gaulliste.

Nicolas Sarkozy orienta en outre la politique arabe de la France vers le Qatar, qui commença à investir des sommes considérables en France.

Si le soutien de l’armée française aux Forces républicaines de Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara contre Laurent Gbagbo en 2011 releva d’une tradition « françafricaine », l’intervention en Libye de la même année, faite sous l’égide de l’ONU et avec le soutien des alliés de l’OTAN, fut un opération de « gendarmerie internationale » déroutante pour l’opinion.

 

Un discours sécuritaire incisif

Le discours sécuritaire du président de la République tendit en outre à se durcir dans la deuxième partie de son mandat. En effet, à la suite de nuits d’émeutes à Grenoble en juillet 2010, il prononça, dans cette ville, un discours marqué à droite. Ce durcissement se produisit dans le contexte d’un débat grandissant sur la place de l’islam en France et sur la conception de la laïcité. Le 11 octobre 2010 fut adoptée une loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, loi surnommée « anti-burqua».

Le mandat de Nicolas Sarkozy s’acheva d’ailleurs avec un événement tragique : les attentats de Mohammed Merah en France de mars 2012 qui causèrent la mort de sept personnes, dont trois enfants de confession juive.

Le président de la République fut candidat à sa réélection. Conseillé par le journaliste proche de l’extrême-droite Patrick Buisson, le candidat-président mena une campagne très marquée à droite.

François Hollande (2012 – 2017) : le normal

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L’élection du président normal

Au soir du premier tour de l’élection présidentielle de 2012, le 22 avril, le président sortant, Nicolas Sarkozy, arriva deuxième. Ce fut un fait inédit dans l’histoire de la Ve République. Il n’obtint en effet « que » 27,18% des voix, ce qui le plaça derrière le candidat socialiste, François Hollande, qui récolta 28,63% des voix.

Malgré une campagne de second tour énergique, Nicolas Sarkozy perdit au soir du second tour le 6 mai 2012. Le débat de l’entre-deux-tours fut marqué par la célèbre anaphore « Moi, président de la République » développée pendant de longues minutes par François Hollande.

François Hollande devint président de la République avec 51,64% des voix. Comme candidat, il avait exprimé la volonté d’être un « président normal », contrairement à Nicolas Sarkozy. Le Parti socialiste revint au sommet de l’État après dix-sept ans d’absence. Le président sortant partageait le sort de Valéry Giscard d’Estaing mais déclarait quant à lui se retirer de la vie politique (pour quelques années seulement).

 

Le gagnant de la primaire

François Hollande a été élu candidat du Parti socialiste et du Parti radical de gauche à la suite des « primaires citoyennes » de 2011. Ces dernières ont rencontré un fort succès. Il gagna ces primaires au second tour face à Martine Aubry avec 56,57% des voix (soit un peu plus de 1,6 millions de voix). Ce mode désignation, qui lui assura une légitimité indiscutable, l’affaiblit en même temps : contrairement à François Mitterrand, il ne disposait pas d’une autorité « naturelle » sur sa majorité.

 

Une orientation sociale-libérale

Même s’il choisit comme Premier ministre Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes et surtout chef du groupe socialiste à l’Assemblée depuis quinze ans, la politique économique du nouveau président de la République, favorisant l’offre plutôt que la demande, lui attira rapidement l’hostilité d’une partie de sa majorité et de l’électorat socialiste. En effet, François Hollande penchait plutôt pour le « social-libéralisme », à l’instar de Dominique Strauss-Kahn, candidat naturel du Parti avant l’éclatement d’une affaire qui l’écarta.

Ainsi, la majorité mena une politique dont l’objectif était d’alléger le coût du travail, de rendre plus flexible son marché et favoriser l’emploi.

  • le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) entra en vigueur au 1er janvier 2013 : cet allègement fiscal avait pour but de réduire le coût du travail et permettre aux entreprises qui emploient des salariés d’embaucher et d’investir.
  • Le Pacte de responsabilité et de solidarité : annoncé le 31 décembre 2013 par François Hollande, il comportait un certain nombre de mesures destinées à baisser le coût du travail, favoriser les embauches et le dialogue social. Ainsi, à partir du 1er janvier 2015, il était par exemple possible d’être exonéré de cotisations patronales versées aux URSSAF pour l’emploi d’un salarié au SMIC.
  • La loi du 8 août 2016, la « loi Travail » ou « loi El Khomri » : elle permit aux entreprises de négocier le temps de travail, de prendre des « accords de maintien de l’emploi » (contre baisse des salaires), d’organiser des référendums au sein des entreprises pour valider des accords d’entreprise (contre le blocage par les syndicats) ; elle renforçait le poids des accords d’entreprise et plafonnait des indemnités en cas de licenciement abusif ; etc.

La loi du 6 août 2015, dite « loi Macron », texte de plus de 300 articles, contenait aussi des mesures phares d’assouplissement de la réglementation française pour favoriser la croissance : travail le dimanche et la nuit, création de lignes nationales de cars, réforme des prud’hommes, libéralisation des professions réglementées, etc.

Cette orientation sociale-libérale fut confirmée lorsque Manuel Valls, admirateur du blairisme, remplaça Jean-Marc Ayrault au poste de Premier ministre en mars 2014, et lorsque Emmanuel Macron devint ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique en août suivant.

Outre les dispositifs présents dans les grandes lois de réformes citées ci-dessus, le gouvernement agit plus expressément pour protéger les salariés. En effet, le 3 juillet 2012, un décret fut pris pour permettre aux personnes ayant commencé à travailler tôt et coté toutes leurs annuités de partir à la retraite à 60 ans. Le 11 janvier 2013, un accord national interprofessionnel fut conclu entre les partenaires sociaux. Il permit notamment l’accès de tous à une mutuelle d’entreprise et essaya de durcir le recours aux contrats précaires en taxant par exemple les CDD courts. Le dispositif des emplois d’avenir fut créé par la loi du 26 octobre 2012 avec pour objectif de permettre l’accès à l’emploi de jeunes sans qualification.

Enfin, on peut noter quelques mesures symboliques considérées comme des « marqueurs de gauche » : la baisse du traitement du président de la République et du Premier ministre dès le 17 mai 2012 ou la taxe à 75% sur les très hauts revenus (qui disparut dès 2015).

 

La lutte contre le déficit et la dette

En même temps, le mandat de François Hollande fut marqué par la nécessité de lutter contre le déficit et la dette publics. Le Pacte budgétaire européen (TSCG), entré en vigueur au 1er janvier 2013, contraint les États membres de l’UE à limiter leur déficit structurel à 0,5% du PIB (règle d’or). Ces règles s’ajoutaient aux « critères de Maastricht », qui contraignent les États à garder une déficit public inférieur à 3% et une dette publique inférieure à 60%.

Élément clé de cette lutte pour la maîtrise des finances publiques, le gouvernement lança la « Modernisation de l’action publique », qui remplaçait la RGPP initiée sous Nicolas Sarkozy.

Au cours du mandat de François Hollande, la croissance de la dette publique ralentit (de 89,6% du PIB en 2012, 92,4% en 2013, 95% en 2014, 96,5% en 2016) et le déficit public se réduit et passa même sous la barre des 3% en 2017 (4,1% en 2013, 3,6% en 2015, 2,6% en 2017).

 

Le discrédit rapide du pouvoir

Ce bilan financier positif ne pesa pas devant le bilan mitigé du gouvernement sur les autres « fronts ». La politique de la lutte contre le chômage eut des résultats mitigés. Le taux de chômage, à 9,8% de la population active en métropole au second trimestre de 2012, atteint un pic à 10,5% au deuxième trimestre, qui fut de nouveau atteint au deuxième trimestre de 2015 après une période de baisse, pour finir à 9,5% au premier trimestre 2017. La croissance du PIB décolla péniblement : 0,2% en 2012 pour arriver à 1,6% en 2016. 

Le discrédit du pouvoir fut accentué par une stratégie de communication risquée : la promesse répétée d’inverser la courbe du chômage. Le 9 septembre 2012, au journal télévisé de TF1, François Hollande promit d’inverser la courbe du chômage en un an. Le président la République conditionna ensuite sa candidature en 2017 à l’inversion de cette courbe. Il déclara par exemple le 14 juillet 2015 : « S’il n’y a pas de baisse du chômage, je l’ai dit plusieurs fois, je ne serai pas candidat ». Le 14 avril 2016, dans l’émission Dialogues citoyens, François Hollande développa une nouvelle stratégie de communication en disant aux Français « Oui, ça va mieux ».

L’affaiblissement progressif de François Hollande donna de l’espace aux « frondeurs », membres de la majorité hostiles à la politique économique menée par le gouvernement. On comptait parmi eux plusieurs ministres, le ministre de l’Économie Arnaud Montebourg, le ministre de l’Éducation Benoît Hamon et la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, relayés par un groupe de parlementaires. La « répression » de la « Fronde » vint le 25 août 2014, lorsqu’ils ne furent pas reconduits dans le gouvernement de Manuel Valls. Mais l’autorité du président était toutefois entaillée par cette rébellion.

Des polémiques et affaires vinrent en outre accentuer la défiance des Français envers le pouvoir : l’affaire Cahuzac en 2013, la médiatisation de la vie privée du président (affaire du scooter, publication de Merci pour ce moment en 2014 par son ex-compagne Valérie Trierweiler), l’affaire Léonarda, le dévoilement de off du président par des journalistes du Monde dans Un président ne devrait pas dire ça… (en 2016, dont l’opinion a retenu le goût du président pour l’expression « les sans-dents »), le recours au 49-3 par Manuel Valls pour la loi Travail, les hésitations autour de Notre-Dame-des-Landes, etc.

Certaines de ces affaires écornèrent sévèrement la stature présidentielle de François Hollande. Plus généralement, il souffrait, comme son prédécesseur, de la redéfinition du statut de président. Le président était la cible directe du mécontentement. Jean-Luc Mélenchon, ancien membre du Parti socialiste, président de « l’antilibéral » Parti de gauche, qualifia notamment le président de la République de « capitaine de pédalo ». Cette marque de mépris soulignait la désacralisation croissante de la fonction.

 

Le défi de l’islamisme

La politique sécuritaire et extérieure permit à François Hollande d’endosser pour un temps les habits de monarque. Elle fut marquée par la lutte contre l’islamisme ou l’islam fondamentaliste.

La France fut frappée par une vague d’attentats, dont les plus meurtriers furent ceux de janvier 2015 (17 morts dans l’attaque de Charlie Hebdo, l’assassinat de Clarissa Jean-Philippe à Montrouge et dans la prise d’otage de l’Hyper Casher par Amedy Coulibaly), du 13 novembre de la même année (130 morts dans l’Est parisien et au Bataclan) et du 14 juillet 2016 à Nice (86 morts).

Le président réagit avec célérité. L’État d’urgence fut notamment appliqué dès le 14 novembre et ce, jusqu’au au 1er novembre 2017. Ce long maintien fit néanmoins l’objet d’intenses débats. La proposition d’étendre la déchéance de nationalité aux binationaux nés Français, évoquée devant le Parlement réuni en Congrès le 16 novembre, suscita une discorde qui entraîna son abandon.

 

Un président « guerrier »

À l’étranger, la lutte de la France contre la menace terroriste se matérialisa par l’intervention des troupes françaises au Mali, à la demande du gouvernement de ce pays, pour lutter contre la progression de groupes armés islamistes vers Bamako (opération Serval de janvier 2013, remplacée par l’opération Barkhane en août 2014). François Hollande fit aussi intervenir les troupes françaises en Centrafrique en décembre 2013 (opération Sangaris, terminée le 31 octobre 2016) en vue de maintenir la paix dans ce pays et éviter une catastrophe humanitaire.

Le projet de frappes contre le régime syrien fut en revanche un échec : la France se trouva isolée après le renoncement de Barack Obama en 2013.

L’action extérieure de François Hollande s’illustra aussi par l’assistance portée aux négociateurs grecs pendant la crise financière que connut ce pays, mais aussi par la réussite de la Conférence de Paris de 2015 sur le climat (COP21) qui se conclut par un accord international sur le climat (sans suite).

 

Les autres fronts de la politique de François Hollande

La France de François Hollande fut au reste agitée par des débats sociaux importants dont l’ouverture du mariage aux couples de même sexe (« le mariage pour tous »). Il fut légalisé par une loi promulguée le 17 mai 2013 après que le projet a suscité une très forte opposition dans une partie de l’opinion. La loi du 2 février 2016 fit évoluer la loi Leonetti de 2005 et reconnut le droit du patient à une sédation profonde et continue jusqu’au décès.

La politique scolaire suscita elle aussi des oppositions énergiques : les confusions autour la réforme des rythmes scolaires initiée par Vincent Peillon ou la très vive contestation de la réforme du collège et des programmes par Najat Vallaud-Belkacem.

Enfin, il faut souligner l’adoption de « l’acte III de la décentralisation », réforme des collectivités territoriales françaises à partir de 2013, qui institua notamment un redécoupage des régions réduites désormais à 18.

Impopulaire, le président de la République annonça, dans une allocution télévisée, le 1er décembre 2016 qu’il ne se représenterait pas en 2017. C’était un fait inédit dans le Ve République.

Emmanuel Macron (2017 – ) : Jupiter

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Le ministre de l’Économie Emmanuel Macron démissionne le 30 août 2016. Après avoir créé son parti, En Marche !, le 6 avril 2016, il annonça sa candidature le 16 novembre 2016. Sa campagne profita de l’implosion de celle du candidat de la droite, François Fillon, parti favori dans les sondages, à causes des affaires, et de l’effondrement de la gauche.

Il fut élu le 7 mai 2017 avec 66,10% des voix, contre Marine le Pen, candidate du Front national, dont la campagne avait souffert d’un manque d’allant et d’un débat de l’entre-deux-tours raté.

Européen et libéral, Emmanuel Macron semblait vouloir poursuivre l’effort de modernisation de l’économie française entamé par François Hollande. En même temps, selon ses propres mots, il souhaitait effectuer un mandat « jupitérien », c’est-à-dire revenir à une pratique du pouvoir plus « classique » et distancée. 

Cet élan réformateur fut toutefois perturbé par deux crises graves : celle des Gilets jaunes (2018) et celle du covid (2020), qui perturba l’économie mondiale.

Réélu en 2022, la première fois depuis Chirac, face, une nouvelle fois, à Marine Le Pen, il doit faire face, dès le début de son mandat, à la gestion des conséquences de la guerre en Ukraine.