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Ne pas se moucher du coude : déf. & origine [expression]

Publié le 25/07/2021 (m.à.j* le 28/11/2022)
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Ne pas se moucher du coude signifie : se croire important, être prétentieux, se faire valoir. Synonymes : ne pas se moucher du pied ; péter plus haut que son cul.

Ne pas se moucher du coude : origine de l’expression

L’origine de cette expression n’est pas certaine. Le « pied » remplaçait autrefois le « coude », avec un sens différent. Quelqu’un qui ne se mouchait pas du pied était habile, ne se laissait pas berner facilement, n’était pas ignorant. Cette expression peut donc être comprise dans son sens littéral : une personne qui ne se mouche pas du pied est habile parce qu’elle utilise ses mains au lieu de ses pieds, avec lesquels cette entreprise serait délicate ; elle n’est pas ignorante parce qu’elle connaît les usages, etc.

Sainct Barthelemey s’est essayé plusieurs fois à l’empoisonner, mesme dans Paris, & pour ce faire, s’est desguisé en toutes les sortes qu’il a peu, toutesfois quand s’est venu à l’approcher, a toufiours eu crainte d’estre descouvert : car il avait affaire à un homme, qui ne se mouche pas du pied.

Legende de Domp Claude de Guyse, abbé de Cluny, 1581

Dans ce sens, on comprend que cette expression se soit enrichie d’une nouvelle forme avec « coude », qui existe peut-être dès le XVIIe siècle. On la trouve par exemple dans un dictionnaire français – anglais du XVIIe siècle, traduite par « he is no fool », « il n’est pas idiot ».

— Moi, madame ! Quand j’aurai dit que je fête une des patronnes de madame, si la police envoyait trente gendarmes pour déranger quelque chose, soyez sûre qu’avant d’être arrivés à la croix rouge qui est au milieu du village, pas un d’eux ne serait à cheval. Ils ne se mouchent pas du coude, non, les habitants de Sacca ; tous contrebandiers finis et qui adorent madame.

Stendhal, La Chartreuse de Parme

De cette idée d’habilité et d’intelligence, le sens de cette expression a glissé vers « ne pas faire les choses à moitié », « être fort et doué », puis vers la prétention : 

– Cré nom, voilà un petit vin qu’on s’en ferait péter la sous-ventrière, dit le cuirassier en faisant claquer sa langue contre son palais !
– Je vous crois ! Monsieur dit toujours que c’est son meilleur, du Corton de première.
– Vot’ bourgeois ne se mouche pas du pied. 

Littoral-mondain, 1901

« Notre grande victoire sur le Racing, a déclaré M. Alexander W. Neumann, président du First Vienna Football Club, nous a décidés à lancer un défi à Arsenal. Nous désirerions jouer en Angleterre, en laissant à Arsenal le soin de fixer la date. 
« Nous sommes certains que le match avec Arsenal deviendra un event classique dans le football anglais. »
Comme l’on dit vulgairement, M. Neumann ne se mouche pas du pied. Les Britanniques n’attendent pas qu’on leur amène du continent des « events classiques ». 

L’Intransigeant, 4 décembre 1930

Même chose pour « ne pas se moucher du coude » :

La Lanterne, dans son seul numéro d’hier, mettait en scène un baron, un comte, un prince et un général. 
Excusez du peu. 
Nos bons jacobins ne se mouchent pas du coude. 

L’Univers, 17 janvier 1897

En dix ou douze lignes pénibles, le citoyen Sphincter a trouvé le moyen de se comparer à Jules Guesde. Le bougre ne se mouche pas du coude. 

Les Hommes du jour, 24 janvier 1914

L’origine de cette expression peut aussi être retracée depuis le sens figuré du verbe « moucher », , au sens de « remettre quelqu’un à sa place » :

Il savait où était la chambre, il s’insinua dans le couloir. Il entendit à l’intérieur la voix de Noémi. Elle disait au valet :

— Zut et zut ! Il m’embête !… Vous avez bien fait de le moucher, ce serin !…

Rolland, L’Âme enchantée

Ce sens vient de l’emploi ancien du verbe « moucher » pour « ôter le bout du lumignon de la chandelle qui l’empêche d’éclairer » (DMF), qui a donné « décapiter ». Ne pas se laisser moucher du pied, c’était donc « être adroit », « ne pas se laisser berner facilement », parce que la personne en question ne se laissait « remettre à sa place » avec les pieds (symboliquement), il fallait utiliser les mains, faire de vrais efforts. On peut aussi se demander si cette expression vient du jeu de paume à partir de cet exemple. Mais cela est improbable.