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« Prodigue » et « prodige » : quelle différence ?

Publié le 23/02/2020
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« Prodigue » et « prodige » sont des paronymes : leur prononciation est proche.  Tous deux viennent du latin prodigere, « pousser en avant » (pro, « devant », et agere, « pousser »). Ils qualifient tous deux l’ « enfant », ce qui est source de confusion.

 

Prodigue : un adjectif


Prodigue (à prononcer comme langue) est un adjectif qualifiant quelqu’un de dépensier ou gaspilleur (d’où l’expression « à père avare, fils prodigue »). Par extension, c’est une personne qui donne beaucoup, généreuse (prodigue en conseils par exemple). Le verbe lié est « prodiguer » (dépenser, donner avec abondance, ou se dévouer. « Prodiguer des attentions » par exemple). Le retour de l’enfant prodigue est une parabole énoncée dans l’Évangile de Luc, qui rapporte l’histoire d’un fils qui retourne chez son père après avoir dilapidé la part d’héritage qu’il avait réclamé. Le « fils prodigue » est en quelque sorte un repenti

[…] C’est ainsi, je vous le dis, qu’il naît de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent. »
Il dit encore: « Un homme avait deux fils.
Le plus jeune dit à son père: Père, donne-moi la part de fortune qui me revient. Et le père leur partagea son bien.
Peu de jours après, rassemblant tout son avoir, le plus jeune fils partit pour un pays lointain et y dissipa son bien en vivant dans l’inconduite.
« Quand il eut tout dépensé, une famine sévère survint en cette contrée et il commença à sentir la privation.
Il alla se mettre au service d’un des habitants de cette contrée, qui l’envoya dans ses champs garder les cochons.
Il aurait bien voulu se remplir le ventre des caroubes que mangeaient les cochons, et personne ne lui en donnait.
Rentrant alors en lui-même, il se dit: Combien de mercenaires de mon père ont du pain en surabondance, et moi je suis ici à périr de faim !
Je veux partir, aller vers mon père et lui dire : Père, j’ai péché contre le Ciel et envers toi ;
je ne mérite plus d’être appelé ton fils, traite-moi comme l’un de tes mercenaires.
Il partit donc et s’en alla vers son père.  » Tandis qu’il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de pitié ; il courut se jeter à son cou et l’embrassa tendrement.
Le fils alors lui dit : Père, j’ai péché contre le Ciel et envers toi, je ne mérite plus d’être appelé ton fils.
Mais le père dit à ses serviteurs : Vite, apportez la plus belle robe et l’en revêtez, mettez-lui un anneau au doigt et des chaussures aux pieds.
Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons,
car mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé ! Et ils se mirent à festoyer.
 » Son fils aîné était aux champs. Quand, à son retour, il fut près de la maison, il entendit de la musique et des danses.
Appelant un des serviteurs, il s’enquérait de ce que cela pouvait bien être.
Celui-ci lui dit : C’est ton frère qui est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il l’a recouvré en bonne santé.
Il se mit alors en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit l’en prier.
Mais il répondit à son père : Voilà tant d’années que je te sers, sans avoir jamais transgressé un seul de tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau, à moi, pour festoyer avec mes amis ;
et puis ton fils que voici revient-il, après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu fais tuer pour lui le veau gras !
 » Mais le père lui dit : Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi.
Mais il fallait bien festoyer et se réjouir, puisque ton frère que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé! »

Bible de Jérusalem, Luc, XV, 10 – 32

Exemples

  • Tout le monde reconnaissait que c’était une brave femme prodigue de ses biens, et personne n’abusait de cette générosité.
  • Bonaparte avait parlé du vieux Kutuzoff avec ce dédain insultant dont il était si prodigue : le vieux Kutuzoff à son tour lui rendait mépris pour mépris. (Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe)
  • Pour un rien qu’on lui avait envoyé, si ce rien lui était l’occasion d’en entrelacer quelques-unes, il se montrait prodigue dans l’expression de sa reconnaissance, alors qu’il n’en témoignait aucune pour un riche présent. (Proust, À la recherche du temps perdu)

 

Prodige : un nom


Un prodige (prononcer comme luge) est un nom : c’est un événement merveilleux, surprenant voire miraculeux. L’adjectif est prodigieux.  Un « enfant prodige » est un enfant précoce, très talentueux dans un plusieurs domaines, comme on présente Mozart (1756 – 1791) enfant.

Exemples

  • Un silence profond s’établit tout à coup ; un Nouveau Testament latin se rencontra comme par enchantement dans les mains du savant membre de deux académies. Sur la réponse de Julien, une demi-phrase latine fut lue au hasard. Il récita : sa mémoire se trouva fidèle, et ce prodige fut admiré avec toute la bruyante énergie de la fin d’un dîner. (Stendhal, Le Rouge et le Noir)
  • Le grand pianiste russe est venu présenter le 31 juillet celle dont il s’est fait le mentor dans ce temple de la musique, enfant prodige comme il le fut, et déjà interprète : « Il y a des choses qui ne s’apprennent pas. Le talent d’Alexandra Dovgan est exceptionnellement harmonieux, son jeu honnête et concentré. Je lui prédis un grand avenir. » (Lemonde.fr)
  • « Par quelque prodige pompeux,
    Fais-moi monter, si tu le peux,
    Jusqu’à ces sommets où, sans règles,
    Embrouillant les cheveux vermeils
    Des planètes et des soleils,
    Se croisent la foudre et les aigles.

Theodore Banville, Le Salut du tremplin