132 Vues
Enregistrer

« Stupéfait » et « stupéfié » : quelle différence ?

Publié le 09/12/2021 (m.à.j* le 15/03/2024)
0 commentaire

« Stupéfait » et « stupéfié » sont des paronymes et des synonymes. Tous deux signifient : « que l’étonnement ou la surprise rend immobile, qui est très surpris ». Néanmoins, ils sont parfois opposés. « Stupéfait » est un adjectif. Il est difficile d’en faire le participe passé du verbe « stupéfaire » qui, bien qu’enregistré par le Larousse ou le Robert, n’existe pas dans l’usage. En revanche, il correspond au participe passé latin stupefactus du verbe stupefacere, « étourdir, paralyser ». Le latin stupefacere correspond au français « stupéfier », dont le participe passé « stupéfié » est employé comme adjectif (son participe présent, « stupéfiant », est aussi employé comme synonyme de « drogue »).

Si l’on suit cette logique, on ne pourrait employer « stupéfait » comme participe passé (« il/elle a stupéfait son monde avec cette décision »). L’emploi de « stupéfié » comme adjectif est parfois proscrit par certains puristes ( « son visage stupéfié sur son corps raide »). 

Dans l’usage, ces emplois se mêlent, bien que « stupéfait » soit bien plus employé sur « stupéfié », terme rare (cf. Google ngram).

Une chose par-dessus tout m’a stupéfait et instruit : à savoir l’histoire d’Alexandre. Voilà qui est neuf, je crois, et profond.

Flaubert, Lettre à Michelet, novembre 1864

Un membre du « club artistique » de Nice, qui passait par là avait voulu voir, lui aussi, ce singulier « musée » où l’art voisinait avec la cannelle et les berlingots et il avait stupéfait la bonne société en déclarant que la peinture de Titin révélait un artiste-né.

Gaston Leroux, Le Fils de trois pères

Mais la nuit suivante et le lendemain, elle avait répété avec ravissement : « ma tante d’Uzai » avec cette suppression de l’s finale, suppression qui l’avait stupéfaite la veille,

Proust, À la recherche du temps perdu

Quand les deux amis arrivèrent, Lucien fut stupéfait par l’exercice du pouvoir de la Presse.

Balzac, Illusions perdues

Il a un sang-froid admirable en face de la bête, et son courage va jusqu’à l’insolence ; il s’assoit sur une chaise vis-à-vis du taureau et se croise les bras, défiant le monstre stupéfié de tant d’audace

Gautier, Quand on voyage

[…] il avait beau lui conter des exploits de garnison, des menteries sur la noce, les filles et le vin, le paysan secouait la tête, stupéfié au fond, nullement tenté en somme.

Zola, La Terre