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Usage : définition (linguistique)

Publié le 15/03/2024
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La notion d’usage en général désigne la façon dont les éléments d’une langue sont employés par un groupe linguistique donné à un moment donné. C’est, en d’autres termes, la façon dont les éléments d’une langue sont concrètement employés. C’est une pratique, qui dépend d’une époque et d’un contexte social. Par exemple, on emploie les mots septante, octante et nonante pour soixante-dix, quatre-vingts et quatre-vingt-dix en français de Belgique ou de Suisse. Mais cet usage n’existe pas, par exemple, en français de France ou du Québec. De la même manière, il est courant au Québec de remplacer « est-ce que » par « -tu » (« Tu m’en veux-tu pour « Est-ce que tu m’en veux » ?), ce qui n’existe pas en français d’Europe. Autre exemple, un même mot peut être employé de manière positive, neutre ou péjorative selon les contextes (les mots politiques par exemple).

L’usage n’est pas uniforme : il peut varier au sein d’un même groupe ou chez un même individu. En revanche, l’usage n’est, parfois, pas neutre : c’est un signal de la situation d’énonciation de l’usager. L’usage de « malgré que » signale par exemple un absence d’exposition à certaines normes linguistiques ou une indifférence et un rejet de ces règles.

 

Usage et norme

On oppose parfois usage et norme. Au contraire de l’usage, la norme serait la façon légitime de s’exprimer dans une langue. La norme protège l’homogénéité de la langue. Cette norme peut être édictée soit par une autorité linguistique chargée de codifier le « bon usage » (comme l’Académie française), soit par le consensus des locuteurs qui défendent certaines règles. Ainsi, il est courant que ces autorités ou ces locuteurs dénoncent la diffusion d’un usage qui est selon eux impropre. On nomme parfois cette attitude du « purisme ». Par exemple, la locution « voire même » est souvent dénoncée comme pléonastique, bien qu’elle soit très courante dans l’usage, même d’écrivains. Autre exemple, la dénonciation de l’usage de « réaliser » comme synonyme de « se rendre » compte comme extension de sens abusive. Ces dénonciations portent souvent sur des tournures importées de l’anglais (« nous allons adresser un problème ») ou sur des termes féminisés (« une cheffe de projet »). Des autorités concurrentes peuvent militer pour l’introduction de certaines formes dans le langage (comme l’écriture inclusive). Les linguistes font en général primer l’usage sur la norme. Les instances linguistiques québécoises (OQLF) sont plus libérales que celles de France (l’Académie française).

Le caractère normé de la langue française produit parfois un phénomène que l’on nomme « hypercorrection ». L’hypercorrection est l’usage fautif d’une forme de la langue par un locuteur qui pense ainsi respecter la norme. L’exemple le plus célèbre d’hypercorrection en français est l’usage du subjonctif après « après que ».

Toutefois, usage et norme ne sont pas en conflit systématique. Les autorités, même conservatrices, sont volontiers attentives à l’évolution du lexique. Des mots nouveaux (néologismes) entrent dans les dictionnaires après s’être diffusés dans l’usage. On dit qu’ils « passent dans l’usage ». Prenons l’exemple anodin de « biodégradable », entré sans difficulté dans la 9e édition du dictionnaire de l’Académie française. D’autres disparaissent de l’usage et peuvent par la suite disparaître des dictionnaires. Quand un locuteur « ressuscite » un mot sorti de l’usage, on qualifie ce mot d’« archaïsme ». On peut ainsi considérer « babillement » comme un archaïsme. Les mots sortent en général de l’usage parce que les locuteurs ne voient plus la nécessité de les employer. C’est le cas de nombre de mots d’argots, dont l’espérance de vie est souvent courte. Autre cas : certaines normes semblent inconnues par les usagers. Par exemple, l’abréviation de « ème » est « e » (3e rang, Xe siècle, etc.). Nombre d’usagers estiment au contraire que l’abréviation est « ème ».