311 Vues
Enregistrer

Un « néologisme » : qu’est-ce que c’est ? Définition

Publié le 23/08/2022
6 commentaires

Un néologisme est soit un mot nouveau ou une expression nouvelle (formées avec des mots déjà existants), soit un mot ou une expression qui existait déjà mais qui est utilisé dans un nouveau sens. Il peut être une abréviation ou un acronyme. Ce terme est formé à partir des éléments néo, « nouveau », du grec ancien νέος, néos, de logie, du grec ancien logos, λογος, « parole, mot ». Le phénomène de la création des nouveaux mots est nommé : néologie.

  • La néologie formelle est la création d’un mot nouveau ou d’une expression nouvelle ;
  • la néologie sémantique est l’utilisation d’un mot ou une expression qui existait déjà dans un sens nouveau.

Par exemple, la crise du covid a été l’occasion de la création de nombreux, ou de leur retour dans le vocabulaire usuel : télétravailler, « gestes barrières », vaccinodrome, cluster, etc. On peut citer d’autres néologismes qui ont eu un certain succès ces dernières années : woke, influenceur, spammer, asmr, moula, grossophobie, k-pop, etc.  

La durée de vie du néologisme est limitée. Des mots anciens ont été des néologismes en leur temps, comme « automobile », « machisme », « verlan », « expresso », ou même « excentricité » terme de mathématiques qui n’a pris qu’au XIXe siècle son sens de « singularité, bizarrerie des manières ». Mais on ne peut plus les qualifier de néologisme aujourd’hui, car ils sont relativement anciens et très usuels. D’autres néologismes peuvent passer rapidement de mode : démondialisation, hipster, tchatter, 

Certains néologismes ne sont pas perçus comme tels par les locuteurs. Cela peut s’expliquer soit par le fait qu’ils sont rapidement intégrés au vocabulaire usuel, soit parce que leur forme n’alerte pas les locuteurs sur leur nouveauté, soit parce qu’ils paraissent appartenir à un domaine trop spécialisé pour qu’on en connaisse tout le vocabulaire. On peut citer par exemple :

  • « instrusif », terme de géologie qui n’a pris qu’au XXIe siècle le sens de « qui est un intrus, qui constitue une intrusion » ;
  • verbatim, terme à la sonorité latine mais dont l’usage, venu de l’anglais, n’est que très récent en français ;
  • ruralité, carthographier, canopée, etc.

D’autres mots paraissent nouveaux à des personnes âgées, parce qu’ils sont apparus à un stade avancé de leur vie, alors qu’ils paraissent avoir existé de tous temps à des personnes plus jeunes qui les ont intégrés dès leur enfance. Par exemple, le verbe « télécharger », d’une grande banalité aujourd’hui, est un terme qui n’était pas usuel avant la généralisation de l’utilisation d’internet.

D’autres mots ne sont pas à proprement parler des néologismes, car ils son anciens. Mais ils paraissent être des néologismes parce qu’ils ne sont pas souvent employés, parce qu’ils ne sont employés que dans un domaine limité d’expertise, ou parce qu’une situation nouvelle pousse à les sortir de l’obscurité : le mot « liseuse » par exemple, terme relevé par le Dictionnaire de l’Académie française à partir de sa 8e édition (1935) comme « petit coupe-papier servant en même temps de signet », est aujourd’hui un terme courant qui désigne une tablette qui permet de lire des livres électroniques.

Pourquoi des néologismes ?

[…] il est nécessaire de forger des mots pour exprimer des phénomènes innommés (Balzac, Le Cousin Pons)

Le développement technologique est un moteur important de la néologie. Les transformations de la société en sont un autre. D’autres néologismes simplifient des tournures du langage qui tendent à se perdre. Par exemple, le verbe « candidater » fait concurrence à la tournure traditionnelle « poser sa candidature ». Autre cas : les néologismes remplacent parfois des mots jugés désuets ou des mots jugés trop violents. Le mot d’origine anglaise gay tend à remplacer « homosexuel » qui a un sens plus restrictif. Les seniors désigne de manière valorisante les « personnes âgées », de plus en plus nombreuses dans les sociétés modernes.

Les néologismes ont plusieurs sources de création

  • Certains sont des créations « spontanées », dont l’origine est difficilement traçable. De nombreux mots sont des créations involontaires ou inconscientes.
  • Certains ont été développés par un créateur identifiable. Les écrivains, par exemple, transforment souvent le sens des mots. Stendhal a inventé le terme « classicisme » (au sens de « qui se réfère à l’art antique »), « entrain », ou l’emploi d’« amateur » au sens de « non professionnel ».
  • Certains sont empruntés à des langues étrangères. « Geek »,emprunté à l’anglais, désigne un amateur de nouvelles technologies. « Dysphorie » est un emprunt au grec ancien dusphoria, δυσφορία « angoisse », « souffrance intolérable ».
  • Des commissions créent des équivalents en français de mots étrangers pour limiter l’influence de leur importation : ainsi, divulgâcher ou divulgâcheur a ainsi été créé par l’Office québécois de la langue française comme équivalent de spoil ou spoiler, le fait de révéler l’intrigue d’un récit à quelqu’un qui ne l’a pas vu et lui gâcher ainsi le plaisir de le découvrir. L’usage croissant du terme spoil/spoiler s’explique notamment par la croissance des discussions sur les films et séries sur internet, mais aussi par le succès grandissant des séries. 

Il y a plusieurs modes de formation des néologismes 

  • par des sigles ou acronymes : un avc, du mma, la fifa, un toc, etc. ;
  • par la création de mots-valise : divulgâcher est un mot formé de « divulguer » et « gâcher », « infox » a été formé à partir de « info » et « intox », pétromonarchie avec « pétrole » et « monarchie » ;
  • par des mots composés : de plus en plus rares, mais on peut citer vivre-ensemble ou porte-flingue ;
  • par dérivation avec préfixe ou suffixe. Les préfixes d’origine grecque, comme bio, cyber, hétéro, homo, néo, poly, etc., servent toujours à former des néologismes : bioéthique, cybercriminalité, hétérologie, homoparentalié, polymathe, etc. Les suffixes -isme, -if, -ation, etc. aussi : végétalisme, survivalisme, tiers-mondisation, etc. ;
    • la suffixation permet de former de nombreux verbes : panthéoniser (de Panthéon), uberiser (transformer une organisation sur le modèle de l’entreprise Uber), etc.
  • par apocope avec adjonction d’un suffixe : soutif pour soutien-gorge ;
  • par changements de construction : « abuser », employé sans complément au sens d’« aller trop loin » ;
  • par antonomase : jacuzzi, kärcher, sopalin, velux, etc ;
  • par changement de sens : c’est le cas, par exemple, du mot « derechef » dont le sens passe de « de nouveau » et à « immédiatement » ;
  • etc.

Des mots parfois critiqués

L’usage abusif de mots nouveaux est réprouvé par certains locuteurs. D’autres réprouvent certains néologismes, qui peuvent être considérés comme inélégants, ou le signe de l’incapacité à employer les tournures classiques d’une langue. Par exemple, « solutionner », qui concurrence « trouver une solution, résoudre », sera probablement rejeté par nombre de locuteurs. Il est peut-être préférable d’éviter son emploi dans certaines situations. Il convient peut-être aussi de ne pas suivre la tendance, très forte chez les hommes politiques, à employer à tout va des locutions introduites par « en » : « en responsabilité », « en confiance », « en capacité de », etc. D’autres néologismes, qui nomment un phénomène contemporain, ne feront probablement pas l’objet de réprobations (« éco-anxiété » par exemple, l’anxiété provoquée par le changement climatique).

Enfin, en français, l’usage abusif d’anglicismes, au travail notamment, qui va jusqu’à parfois constituer un sabir franglais, est moqué par nombre de francophones. Toutefois, il est difficile d’éviter l’usage des anglicismes parce que les pays anglo-saxons sont la source principale des concepts, notions et technologies nouvelles. Par exemple, « balado », québécisme qui traduit podcast, a beaucoup de mal à s’imposer en France. Le mot-valise « courriel » est relativement courant, mais moins que mail

Plus généralement, la critique du néologisme agit peut-être comme un force d’équilibre ou comme un filtre : elle limite la généralisation de mots nouveaux, dont l’abondance peut dérouter certains locuteurs, moins au fait des nouveautés, et qui ne peuvent plus, parfois, comprendre certains discours.

Les dictionnaires usuels intègrent chaque année des néologismes, ce qui ne garantit par pour autant que ces mots soient des mots très usuels, ou qu’ils soient acceptés par tous les usagers ou dans tous les contextes. Les éditions Robert ne sortent pas de mots de leurs dictionnaires.