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Payer en monnaie de singe : définition & origine [expression]

Publié le 07/05/2021 (m.à.j* le 21/12/2022)
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Payer en monnaie de singe signifie : payer en fausse monnaie, ne pas payer. La personne qui a été payée en monnaie de singe l’a été en fausses promesses. Elle a été leurrée, escroquée. L’anglais parle de Monopoly money.

Payer en monnaie de singe : origine de l’expression

Cette expression viendrait du fait que les montreurs de singes, les joueurs de singe, pouvaient payer des passages, sur un pont, sur un bac ou pour entrer dans une cité, en faisant faire des acrobaties à leurs singes, des gambades, des bouffonneries, des grimaces, etc. Elle vient plus précisément du Livre des métiers (vers 1268) d’Étienne Boileau, dans la section péage du Petit Pont de Paris (qui prolonge aujourd’hui la rue Saint-Jacques vers l’île de la Cité et Notre-Dame) :

Li singes au marchant doit iiii d. [quatre deniers], se il pour vendre le porte. Et se li singes est a home qui l’ai acheté pour son deduit, si est quites. Et se li singes est au joueur, jouer en doit devant le paagier, et pour son jeu doit estre quites de toute la chose qu’il achete a son usage. Et ausi tot li jongleur sont quite por i ver[s] de chançon.

Duneton a traduit ce passage ainsi (La Puce à l’oreille) : « Le singe du marchand doit quatre deniers, si celui-ci le porte vendre ; si le singe appartient à un homme qui l’a acheté pour son divertissement, il est quitte, et si le singe est à un montreur, il doit faire des tours devant le péagier, et pour son jeu doit être quitte de toutes les choses achetées à son usage, et de même les jongleurs sont quittes pour un couplet de chanson. » Le joueur de singe doit faire jouer son singe devant le péagier pour obtenir la franchise du péage, et chanter ou déclamer un poème.

Le caractère insolite de cette règle a pu frapper les contemporains, ce qui en a fait un proverbe, ou ce passage du livre d’Étienne Boileau a frappé des lecteurs postérieurs, qui ont repris l’anecdote et en ont fait une expression. L’expression disparue « payer en gambades » est sûrement née du même passage. Quoi qu’il en soit, l’expression est très ancienne. Elle se trouve chez Rabelais (mort en 1553) : 

D’entre les quelles frère Ian achapta deux rares & precieux tableaulx : en l’un des quelz estoit au vif painct le visaige d’un appellant : en l’aultre estoit le portraict d’un varlet qui cherche maistre, en toutes qualitez requises, gestes, maintien, minois, alleures, physionomie, & affections : painct & inventé par maistre Charles Charmois painctre du roy Megiste : & les paya en monnoie de Cinge.

Le Quart Livre (1552)

Le Dictionnaire de Furetière (1690) la relève : « On dit qu’il a payé en monnoye de singe, en gambades & en bouffonneries. »

Exemples

Oiseau picoreur, s’enfuyant le gosier plein, et gazouillant un air pour tout remerciement, Pons éprouvait d’ailleurs un certain plaisir à bien vivre aux dépens de la société qui lui demandait, quoi ? de la monnaie de singe.

Balzac, Le Cousin Pons

Les salaires des Libanais ne valent plus rien. Payer le loyer, les factures ou même remplir un chariot représentent un défi. Comme tout est importé et que la livre est devenue une monnaie de singe, l’inflation a explosé. Au supermarché, les prix ne sont même plus affichés. L’huile, le sucre ou la viande sont désormais des produits de luxe.

Ouest-france.fr